samedi 28 décembre 2019

Les bonnes fées (2)

Paroles de fées

J'ai souhaité glisser ici les témoignages de Magali Bertrand, Nathalie Mauret, Karine Fitoussi-Guez, Marjorie Risacher et Jean-Pierre Breuil qui ont eu le manuscrit entre leurs mains à différents stades d'écriture.
Si Karine et Jean-Pierre ont lu une version quasi définitive, Magali, Nathalie et Marjorie ont accompagné son évolution depuis les 50 premières pages. Leurs retours ont été essentiels à la structuration du récit.
Nathalie est journaliste, Magali bibliothécaire, Marjorie est productrice radio et journaliste, Karine est médecin et Jean-Pierre jeune retraité de la police judiciaire.

Voici les petits mots qu'ils m'ont écris pour ce blog:

Nathalie

"Je ne suis pas une lectrice ordinaire. Quand j’ouvre un livre de Sophie Loubière, je sais que je vais aimer. Je ne dis pas cela car c’est mon amie depuis 20 ans. J’aime ses livres car ils sont féroces et tendres, que la poésie y est toujours présente et que Sophie voit le beau même quand il est caché.

Ma lecture est forcément différente de celle des autres. Je lis entre les lignes ; je sais ce qui est tu.

J’ai suivi l’écriture de Cinq cartes brûlées presque chapitre après chapitre. C’est pour moi le livre qui lui ressemble le plus, avec L’enfant aux cailloux. Je l’ai reconnue à chaque page. Dans le corps maltraité de son héroïne, dans sa solitude d’enfant, dans son rapport à ses parents et surtout à son frère.
Les auteurs écrivent toujours sur eux, même quand l’histoire parait éloignée de ce qu’ils sont. Ce thriller psychologique en est l’illustration : Sophie ne joue pas au black-jack et n’a jamais été championne de lancer de poids, mais elle est dans toutes les pages.  C’était parfois difficile pour moi de la lire, tant je voyais ce qu’elle y mettait d’intime et de douloureux.
Sophie m’a rassurée, comme toujours, riant de mes angoisses (un comble) et prenant un tel plaisir à vivre pendant des mois avec des personnages qu’elle aime tellement. Elle a une distance que je n’ai pas. Elle sourit de tout, ce que je ne sais pas faire.
Moi aussi je les aime ces personnages, car Sophie et moi avons des blessures communes et c’est une des raisons qui fait que l’on s’aime. Sans être championne de lancer de poids ni connaitre les règles du black jack, mais j’apparais aussi entre les lignes du livre, subrepticement.
Cinq cartes brulées est un très bon livre. Je le sais. Je le lui ai dit et je crois qu’elle me fait confiance. S’il touche les gens autant que moi et s’il rencontre le succès qu’il mérite, il sera un baume pour elle. Et par ricochet pour moi. Car ce qu’elle fait a de la valeur pour moi."



Magali (marraine ou bonne fée)

"Ayant atteint l’âge honorable que l’on peut raisonnablement imaginer à mi-parcours d’une existence, je crois pouvoir affirmer, sans me vanter, que j’ai déjà endossé pas mal de rôles. J’ai été une fille, une sœur, une amie, une épouse, une mère depuis ma première heure, une Alouette, une Langouste, une pintade anglaise pour un Dindon français à mes heures perdues, une enseignante puis une bibliothécaire aux heures ouvrées. Mais marraine-bonne-fée, ça, jamais. Jamais jusqu’à ce que Sophie vienne me tirer par la branche de mes lunettes de lectrice et me demande, avec cette gentillesse attentive qui la caractérise, « un petit service : accepterais-tu de faire partie du petit groupe de mes premières lectrices pour mon prochain roman ? De lire au fur et à mesure que j’écris ? De me faire des retours précis pour que je sache si je suis sur la bonne voie, si mes personnages existent, si l’histoire se tient ? ». Et c’est à moi qu’elle venait demander ça ? A moi qu’elle ne connaissait pas il y a encore si peu de temps ?

Car Sophie et moi, c’est l’histoire d’un coup de foudre amical, précédé d’un coup de culot et d’un coup de pot. Au temps pas si lointain où notre Berlingot contenait encore deux grandes et deux petites personnes pour sillonner, à longueur d’étés, les routes de Bretagne ou de Normandie à la recherche du « Dernier parking avant la plage », Sophie était, pour mes hommes (deux petits, un grand) et moi LA voix, celle que nous attendions avec impatience et que nous écoutions dans un silence quasi-recueilli, celle qui savait si bien nous raconter des histoires et des recettes à saliver jusqu’à plus soif. Et puis un jour, alors que la voix s’est tue depuis longtemps et que j’ai troqué mes lunettes d’instit’ contre celles de bibliothécaire, je découvre sur les étagères de ma médiathèque L’enfant aux cailloux, et, sur la quatrième de couverture, j’ai une révélation : LA voix a un visage !! Visage qui s’anime et me parle « en vrai » lorsque je vais à sa rencontre à Lyon, au Quai des polars quelques mois plus tard et m’encourage à la contacter pour organiser une visite à la médiathèque. Tenant parole, elle répondra à mon invitation puis à mes questions avec douceur et bienveillance…puis me posera les siennes. En quelques heures, en quelques mots, en quelques failles communes entraperçues et partagées se sont nouées de drôles de connections qui clignotent avec force et régularité entre les deux fidèles que nous sommes.

J’ai donc tâché de conserver l’air digne et détaché qui devait (sans doute !) correspondre à la fonction et j’ai fait semblant de réfléchir (au moins 4 secondes !) à ma réponse avant d’envoyer (en ululant de bonheur !) un mail très posé qui disait « Mais bien sûr, voyons ! », comme si ça n’était pas la première fois qu’une auteure dont j’avais dévoré presque tous les romans me faisait l’honneur de m’accorder pareille preuve d’amitié et de confiance, comme si je ne pétais pas de trouille à l’idée que, peut-être (allez savoir…), ce roman-là ne me plairait pas et qu’il me faudrait prendre mille précautions et détours pour ne pas blesser cette âme vibrante et sensible (car on peut écrire sans broncher des histoires de serial killer à faire pâlir les plus coriaces et posséder une âme vibrante et sensible. Si).

Quelques pages ont suffi, bien sûr, à balayer mes doutes. Si le premier chapitre est un choc, un uppercut au creux de l’estomac, c’est une fois le calme revenu, une fois l’histoire rembobinée et la marche avant lente et précise réenclenchée que l’envoûtement se met en place, que la fascination opère. Rouage après rouage, Sophie monte sous nos yeux la mécanique infernale qui mènera à l’inéluctable, de détails en démence, de douleur en violence, d’humiliations en vengeance. Que d’émotions enfouies elle soulève avec Laurence et Thierry, fratrie aux relations douloureuses et ambivalentes au cœur d’une famille disjointe, que de miroirs tendus aux couples vieillissants, aux ambitions embuées, aux petits arrangements avec des consciences distendues autour de Bernard, que de questionnements autour du corps, de son image, de son appropriation par soi-même ou les autres. Il me semble que notre chère auteure a atteint avec ce roman un sommet dans la maîtrise, non seulement de son style, épuré, affuté, dépouillé du moindre artifice « décoratif » qui aurait pu en altérer la fluidité, mais aussi de la densité psychologique de ses personnages et des liens qui les unissent ou les étouffent. Quant au schéma narratif, il se déroule tout en subtilité au rythme des cartes qui s’abattent dans un ordre qui ne doit rien au hasard, évidemment, mais au sens, au message quasiment, contenu dans chacune d’elle. 
Cinq cartes, une main, un seul jeu pour gagner ou pour perdre. 
Ces Cinq cartes brûlées m’ont surprise, touchée, intriguée, heurtée, épatée, emballée. C’est donc avec un enthousiasme sincère et une fierté non dissimulée que je porterai, avec ses 4 autres marraines, ce très beau, très noir et très grand roman à peine sorti de l’œuf sur les fonts baptismaux et littéraires de la rentrée à venir !" 

Magali

Jean-Pierre

« Je connais Sophie depuis environ deux ans, grâce a une amie que nous avons en commun.
Au cours d’une soirée, j’ai évoqué mon expérience de contrôle et de surveillance des casinos, pour avoir travaillé pendant une vingtaine d’année au Service Central des Courses et Jeux de la Police Judiciaire.
C’est donc tout naturellement que Sophie m’a proposé de lire avant sa parution son dernier roman Cinq cartes brûlées.
Le talent de Sophie m’a permis très rapidement de me retrouver quelques années en arrière dans ce monde des jeux qu’elle a su parfaitement appréhender et décrire.
Dans ce casino du centre de la France, Sophie s’intéresse plus particulièrement à une croupière, à la personnalité inattendue, complexe, fascinante. Seul l’imagination de Sophie pouvait permettre à une personne sommes toutes anodine et banale d’avoir une vie et une histoire hors du commun.
Merci et mille bravos Sophie pour ce roman noir vraiment passionnant... Seul regret : devoir attendre le mois de janvier pour le savourer une nouvelle fois."



Karine

(ce petit mot de Karine m'a été envoyé le 20 janvier 2019 par mail. Etant mon médecin traitant, je lui avais demandé si elle pouvait lire mon manuscrit afin d'en vérifier les parties médicales.)

"Chère Sophie,
Je viens de terminer votre livre. Vous m’aviez dit de prendre mon temps mais j’ai commencé à le lire ce matin et n’ai pu le lâcher. C’est un grand roman!
Je sais que vous doutez beaucoup mais là vraiment vous pouvez abandonner vos doutes. On ne se connaît pas bien mais si vous me connaissiez vous sauriez que je ne suis pas très bon public. Très exigeante, j’ai toujours quelque chose à redire. Sachant cela vous comprendrez que si je vous dis que j’ai vraiment beaucoup aimé votre livre vous pouvez me croire. D’ailleurs mon mari vient de me dire « si tu as aimé c’est que ça doit être bien, tu es tellement difficile ;)
J’ai passé un moment extraordinaire avec Laurence. L’intensité de votre héroïne la rend totalement vraie et crédible malgré sa folie. On souffre avec elle et on retient son souffle en suivant son parcours, devinant qu’il va nous amener vers l’horreur. Votre écriture est captivante. Vous nous amenez doucement vers la folie et on vous suit sans hésiter complètement accro
Ne lâchez pas ce roman, défendez le de toutes vos forces. Il le mérite.
J’ai été particulièrement touchée de la manière dont vous traitez l’obésité.  
J’aurais une ou deux remarques totalement anecdotiques sur le médical puisque vous me l’avez demandé mais rien qui ait de l’intérêt pas rapport à l’impact de ce roman.
Merci pour votre confiance, merci pour ce privilège 
J’espère à très bientôt"



Marjorie


Marjorie attendait d'avoir relu le livre dans sa version définitive pour écrire son texte (c'est tout Marjorie!) On est tellement pote toutes les deux qu'on a trouvé le moyen d'avoir le même jour de naissance. C'est pour dire. Son texte est un putain de texte, comme dirait Blier. Un texte qui me bouscule le coeur. Elle sait bien mieux que moi parler de nous!
On était deux jeunes femmes, nées dans l'Est. Deux jeunes voix de radio, à France Inter. Nous avons cheminé ensemble et dévalons la pente de l'existence avec toujours le même élan, la même tendresse, la même complicité.



"J'ai tout lu de Sophie.
Le mérite ne me revient pas, il est tiré des 25 années d'amitié qui nous lient et de son écriture que j'ai vu s'affiner, se ciseler, se préciser au cours de ce quart de siècle. Nous avons je crois toujours été à la fois franches et attentives l'une envers l'autre. Cela provient du fait que nous ayons un incroyable tronc commun tout en étant des femmes fondamentalement différentes. Implicitement il y a toujours eu ce précieux cadeau entre nous, ce fil tissé qui voudrait qu'à défaut de toujours se comprendre, il est bien plus fondateur de toujours s'apprendre.
Là où je suis analytique elle est combative.
Là où je suis rebelle elle est diplomate.
Là où je suis résignée, elle est déterminée.
Là où je suis fédératrice, elle est constructive.

Ce qui nous lie au-delà de tout trouve ses racines dans un chemin qui nous a pas mal bousculées certes, mais surtout dans le doute constant, dans l'exigence, dans l'amour des belles choses de la vie malgré ses torgnoles. Ni l'une, ni l'autre, n'avons peur du noir. Ni l'une, ni l'autre, n'avons peur de la lumière. Et ses romans sont l'exact reflet de tout cela.
Comme ces tableaux d'un visage de jeune fille ou de vieille dame selon la vision que l'on s'ordonne, il y a dans ses livres un paysage sombre dans lequel brille une lueur. Ou une éclatante prairie où se nichent des ombres terribles. Ils sont oxymores vivants. Ils sont Janus masqués. Il n'y a que la fin qui vous révèle tous les visages, ceux que Sophie vous dessinait, ceux que vous soupçonniez. Et les autres.

Elle a aussi le don du personnage, un truc bien à elle qui fait fi du concept de héros ou d'anti-héros. Il s'agit toujours de femmes, construites d'elle-même, des autres, de nos peurs, de nos fragilités, de nos entêtements, de nos capacités, de nos cicatrices, de nos résiliences. Si on savait combien Sophie met à chaque fois de vérités, si on soupçonnait combien elle essaime invariablement la poudre du même os qu'elle ronge intimement, on toucherait du doigt la raison de ce qui crie si fort dans ses êtres littéraires. Il n'y a pas de caricatures, il n'y a que nos folies et nos génies ordinaires qui forgent l'extraordinaire. Laurence, la protagoniste au cœur de ce nouveau roman, est à la fois proche et loin de nous. On ne sait jamais bien si elle est plus attachante qu'irritante, si on a envie de l'encourager ou la secouer. Mais elle est là, campée, précise. Elle a une empreinte forte qui nous accompagne longtemps après la lecture.

Mais il y a encore autre chose que Sophie maîtrise. Une chose plus rare.

Le polar en général est souvent décevant quand on a atteint un niveau de lecture sourcilleux. Dans le meilleur des cas on y trouve une charte narrative, un scénario, une idée. Exit la qualité de l'écriture, la recherche du rythme, la beauté du style. Aucun autre genre littéraire ne mériterait autant qu'on remette tout à plat pour demander aux auteurs de ne plus se contenter de raconter une histoire et de cesser d'être écrivants pour redevenir écrivains.
Sophie fait partie de cette poignée qui a le souci de tout. Elle cherche continuellement la vérité du détail, le mot le plus exact, la tournure la plus belle.

Quand elle m'a envoyé la première version de Cinq Cartes Brûlées j'ai tout de suite su qu'elle avait gagné la bataille douloureuse que peut être la création d'un roman. Je l'ai su dès les deux premières pages, dès l'incroyable scène d'entrée. Son écriture était telle que je me suis dit « Elle n'a peut-être jamais rien écrit de mieux ». Et je n'avais encore ni le cœur de l'histoire, ni même les personnages. Je n'avais qu'un style, qu'une valse de mots, qu'une ambiance. Mais c'était déjà là.
Je savais que nos discussions allaient porter sur d'autres choses, mais certainement pas la plume.
Et en effet, nous n'avons parlé que de construction optimale, d'indicateurs visibles, d’ellipses possibles. Nous avons parlé voyage à la lecture, pas à l'écriture. Ce dernier lui appartient désormais entièrement, complètement dans sa chair et son talent."



Une autre amie, Caroline Vallat, libraire, a également lu une version incomplète et ses remarques après lecture ont engendré comme un déclic qui a permis de mieux mettre les choses en place. Je tenais une fois encore à la remercier d'avoir accepté cette lecture qui hélas, aura gâché pour elle la surprise de le découvrir en janvier - d'autant que je lui ai spoilé un élément important du livre.  
Grosses bises à toi, Caroline.

Caroline

2 commentaires:

  1. Sophie
    Je me régale depuis le début de ma lecture. L'histoire de Laurence, Lolotte, est fascinante. Thierry son frère est un personnage impressionnant, dès le 1er chapitre où il apparaît. Il me reste encore les 2/3 à lire, et si ça continue ainsi, gros coup de coeur assuré. Bises.
    Florence d'Auvers

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    Réponses
    1. Merci beaucoup pour votre commentaire si sympathique, Florence! Attendez-vous à quelques retournements de situation dans les dernières pages... Bien cordialement.

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