mardi 29 septembre 2020

Un fait divers dans la presse

Donner plus de vraisemblance à ce qui est pure invention

Ma collection particulière

Depuis la lointaine époque où j'écrivais des petits polars pour France Bleu, je collectionne les coupures de presse dans un carnet - ou bien j'enregistre des pages web dans un fichier - afin de constituer un vivier d'histoires vraies et d'y puiser l'inspiration. Pourquoi tel ou tel fait divers me harponne? Difficile à dire. Souvent, il y est question d'actes criminels, bien sûr. Ceux qui retiennent mon attention mettent en scène des individus qui soudain vont franchir la ligne, soit par pulsion, soit après avoir longuement réfléchi et calculé leur coup. Mes préférés? les losers flamboyants  : ils sont persuadés de parvenir à leurs fins sans être inquiétés mais vont commettre d'incroyables maladresses ou jouer de malchance. Ceux-là m'ont inspiré bien des nouvelles et auront réjoui sans le savoir de nombreux auditeurs de France Inter et France Bleu, ondes sur lesquelles mes petits polars étaient régulièrement diffusés.

Pour "entendre de mes nouvelles", c'est par là...


... Dois-je l'avouer? C'est à l'obscur propriétaire d'une pizzéria dans une petite ville de l'est de la France que je dois mon succès international. Cuisine à l'italienne, une nouvelle dite cursive à chute, est étudiée jusqu'au Canada, et présentée comme l'archétype de la nouvelle policière. Ce que je raconte dans cette nouvelle est vraiment arrivé. J'ai simplement imaginé la scène préambule à l'incendie.



Dans le cas de Cinq cartes brûlées, l'approche du fait réel est différente. Il m'intrigue, me bouleverse et m'interroge tout autant.
Ici, on touche à un drame intime, passionnel, violent.
On explore la rencontre de deux vies en instance d'être brisées, l'une prenant soudain l'ascendance sur l'autre. Le fait divers dont je me suis inspiré s'est déroulé en Lorraine, dans ma ville natale, à Nancy, en décembre 2012. Ce qui m'a saisie dans cette affaire, c'est l'extrême violence de l'agression. Le nombre de coups portés par une seule personne. La temporalité du passage à l'acte (entre le moment où l'agresseur frappe et le moment ou l'arme est écartée). Et l'incroyable justification de l'agression que donnera la personne mise en cause au tribunal.



L'ordre et le chaos

Je reste volontairement évasive afin de ne pas trop révéler du livre, bien qu'au-delà du crime, c'est l'histoire nouée entre deux individus qui est de loin le plus intriguant de l'affaire: la singularité de leurs parcours réciproques, comme deux chemins qui mèneraient vers un précipice. L'un est chaotique, tracé en dépit du bon sens, et l'autre taillé avec lenteur, ordre, calcul et détermination. 
C'est ce point de basculement, lorsque les deux protagonistes de l'affaire se retrouvent, qui rend l'affaire exceptionnelle à mes yeux. Car forcément m'effleure l'idée que tout aurait pu être évité si, à un moment ou à un autre, leur entourage avait été réceptif à leur douleur, leur manque, leur fêlure intérieure.
Oui, ce qui m'a bouleversé dans ce fait divers, ce n'est ni le côté glauque, sanglant ou spectaculaire, mais ces corps imperméables aux autres, ce long silence qui aura pesé sur chacune de ces vies, qu'il s'agisse de l'agresseur ou de la victime.

En exploitant ce fait divers, j'ai souhaité interroger la fragilisation mentale que peut engendrer l'isolement d'un individu, qu'il soit le fait d'un manque de lien parental, scolaire, social, ou d'une absence de communication au sein d'un couple.

Dans le roman, j'utiliserai aussi une autre métaphore pour exprimer cette idée qui me tenaille - que notre destin se fait et se défait à chaque instant de notre existence :
il tient autant au chasseur qu'à sa proie qu'ils se retrouvent soudain face à face.





Un long et lent processus

Lorsque j'ai vent de cette affaire, je sais que je tiens là le sujet d'un roman. Je sais aussi que la victime comme son agresseur, m'apparaissent avec la même intensité et que j'éprouve pour l'un comme pour l'autre la même empathie, une compassion infinie - mon moteur d'écriture. 
Je souhaite à ma manière reprendre le récit de ce drame auquel ils se sont malgré eux condamnés, aligner pour eux des mots comme on aligne des pierres, pour qu'ils ne soient pas oubliés.

Mais j'ignore encore par quel bout prendre l'affaire et surtout, la finalité du livre que j'écrirai.
De quoi parlera-t-il?
Sur quelle partie de ce fait divers vais-je porter l'éclairage?
Et quelle sera la propre histoire du livre?
Seule certitude: le récit doit être conté à rebours, en partant de l'enfance, comme pour L'enfant aux cailloux. 
Le roman sera chronologique comme l'est notre existence.



Des protagonistes de l'affaire, la presse dit peu de choses. Mais elle donne cependant les éléments essentiels qui serviront de base à leur construction.
Pour l'une, le deuil passé d'un parent, une adolescence en repli sur soi, une tentative de suicide lors d'un voyage aux Etats-Unis, une intelligence au-dessus de la moyenne, des études brillantes, et la tentation d'instrumentaliser sa beauté.
Pour l'autre, médecin anesthésiste, un physique sans attrait particulier, un couple usé par des difficultés de famille, une épouse qui se réfugie dans ses croyances religieuses, peu de vie sociale et de loisirs en dehors du travail, une existence qui tire sur le gris... et la tentation de connaître un nouvel élan dans sa vie affective.




Je vais donc m'appliquer à "nourrir" les deux personnages de mon roman en puisant dans ces éléments réels, à les construire tout en cherchant une manière de les incarner comme s'il s'agissait de tourner un film et de déterminer les rôles principaux.

Puis, je vais croiser le chemin de deux personnes qui vont avoir un rôle déterminant dans l'incarnation des personnages, en des lieux et des circonstances différentes: 

elle, c'est à Punta-Cana, dans une piscine, que je fais sa connaissance pendant mes vacances en 2014. Elle s'appelle Laure. Laure est maman de deux filles dont une, la plus jeune, est copine avec mon fils. Les mamans font connaissance et deviennent amies. Ce que Laure me confie alors de sa vie privée - un incroyable et douloureux parcours jalonné de non-dits familiaux -  va déclencher l'idée de travailler sur la problématique du corps de mon héroïne, celui-ci épousant les différentes étapes émotionnelles de sa vie. 
Lui, c'est dans une cabine de doublage, lors de l'enregistrement audio de mon thriller Black Coffee pour Lizzie en janvier 2018, que je le découvre, avec cet incroyable physique de caméléon.
... Je vous en reparlerai plus tard.
Puis, à la faveur d'un déplacement du côté de l'Aveyron, je tomberai par hasard sur le décor du livre: la ville de Chaudes-Aigues, dans le Cantal. Une ville dont le nom sonne comme une pierre, brûlante d'une eau qui jaillirait trop vite et trop fort des entrailles de la Terre.
Une ville thermale, où se trouve un petit casino. 
L'antre de l'enfer du jeu! 
Et plus loin, Saint-Flour, où je déniche la "maison d'épouvante" de Laurence... Mais j'y reviendrai également.


Les personnages sont là, en moi, ils existent et sont de chair et de sang. Je commence à "jouer avec", à tourner avec eux quelques scènes sur papier... Bernard m'épate, Laurence me trouble. Dans ma tête, le fait divers a fondu; ne reste que la partie visible de l'iceberg. Le reste est pure invention.

Le décor, l'atmosphère du roman à écrire m'électrisent et me paralysent tout autant. 
Ce roman, je le comprends en commençant enfin l'écriture en janvier 2018, est sans doute le plus troublant et le plus incandescent de tous mes livres.






lundi 28 septembre 2020

Cinq cartes brûlées : le livre audio

Disponible à partir du 08/10/2020, le livre audio de Cinq cartes brûlées se partage entre deux voix: celle du comédien Bernard Gabay (dont je me suis inspirée pour créer le personnage du Docteur Bernard Bashert dans le roman et lui donner un corps, une voix, une façon de se mouvoir), et la mienne. 

C'est notre deuxième collaboration sur un livre audio, le précédent étant Black coffee.

Cliquer sur l'image pour entendre un extrait lu

Bernard Gabay est un acteur et comédien français d'origine espagnole ayant débuté très jeune dans le cinéma. C'est aujourd'hui une très grande voix du doublage. 

Il est, entre autres, la voix française de Robert Downey Jr, Viggo Mortensen, Antonio Banderas, Ralph Fiennes, Gary Sinise, Andy Garcia, Benicio Del Toro et Daniel Day-Lewis. 

Je l'ai entendu récemment doubler ce dernier dans Gangs of New York de Martin Scorcese. Sa prestation, à l'image de celle de cet acteur exceptionnel, est impressionnante. J'en profite pour vous recommander ce film d'une beauté crue et cruelle. 

A noter qu'il est aussi la voix de Bambi adulte dans la version 1993 (en référence au roman qui évoque cet ouvrage).


Le travail de Bernard Gabay est tout aussi bluffant sur Cinq cartes brûlées

Impossible d'imaginer une autre voix que la sienne. Il donne au docteur Bashert toutes ses nuances, l'enrichit de sa propre perception du personnage et du texte, lui offre ce phrasé unique, à la fois retenu et caressant, ces modulations qu'il casse volontiers d'une ligne de dialogue dans le souffle. 





Réalisme. Justesse. Quel cadeau. 

A l'occasion de sa venue au studio parisien Safe and Sound, j'ai demandé à Eric Breia qui a dirigé l'enregistrement de faire une photo: on voit bien qu'on est très malheureux d'être enfermés là, en plein mois de juillet, à nous replonger dans l'univers glaçant du roman!


J'en ai profité pour faire une petite vidéo de l'enregistrement d'un passage du livre qu'on peut voir sur mon compte Instagram :

Cliquez sur l'image pour voir la vidéo

... Maintenant, vous n'avez plus qu'à passer commande de ce livre audio à deux voix, qui permettra à celles et ceux d'entre vous qui l'on déjà lu d'entendre tous les pièges que j'ai glissés au fil des pages, et dans lesquels vous êtes tombés malgré vous à la première lecture, ce qui ne peut que me ravir. 






dimanche 5 juillet 2020

Cinq cartes brûlées, confinées, célébrées.

Tenir, contre vents et pandémie


Comme elle fut longue cette période de confinement, âpre, emplie de doutes, de silences et de douleurs au coeur, au ventre, de nuits sans sommeil, dents serrées, de crainte de perdre l'autre, ceux qui sont notre bonheur, notre fierté et le plus grand défi de l'existence : nos enfants.

Chaque jours, nous avons vu les corps tomber, glisser sans bruit tels des branches mortes charriées par l'eau sombre d'une rivière, là où les médias naviguaient sans pudeur ni recul, puisant dans cette immense détresse du monde leur insatiable puissance.

Pour moi, s'est ajouté ce sentiment médiocre de "partie perdue d'avance". 

En 2015 paraissait un de mes précédents romans lequel touchait à un évènement inconnu de l'Histoire de la seconde guerre mondiale (La révolte de jeunes soldats SS musulmans) : "A la mesure de nos silences" (Fleuve Editions). Hasard ou destin, il était publié le 8 janvier, soit le lendemain du terrible attentat au siège du journal Charlie Hebdo. 
L'ami Charb, foudroyé.
Toutes les chaînes en émission spéciale.
Frénésie morbide et fantasmatique.
Plus de place pour la culture dans la presse.
Encore moins pour un roman qui évoque le destin de jeunes soldats musulmans enrôlés dans la Waffen SS... lesquels ont eu un comportement exemplaire, le payant de leur vie. Mais encore faut-il qu'il y ait quelqu'un parmi tous ces éditorialistes pour s'intéresser à l'Histoire et comprendre que la barbarie n'est pas le propre d'une religion mais bien du terrorisme.










Plongeon abyssal des ventes pour tous les romans parus à cette même époque (excepté celui de Michel Houellebecq).

Des romans noyés, décapités, parmi lesquels A la mesure de nos silences.


L'annonce


A quelques temps du confinement, j'apprenais que Cinq cartes brûlées avait décroché le prix Landerneau. 
A l'éclat de cette nouvelle, laquelle ouvrait de grandes perspectives pour l'ouvrage, succédèrent l'annonce du confinement puis l'annulation de la soirée de remise officielle du prix fin mars.



Ce lundi 30 mars 2020 restera pour moi un lundi noir.
Aucune perspective concernant la remise du prix, si toutefois celui-ci était maintenue.
... Pour que vous saisissiez l'enjeu, le Landerneau, c'est entre 10 000 et 100 000 exemplaires vendus et une campagne de pub dans un sacré paquet de journaux et magazines.
L'année où le prix m'est remis est celle de la pandémie du siècle. 
Des cartes de ma vie, celle-ci aurait-elle été mal jouée?

 Cinq cartes brulées devait être le livre, et déjà, il s'étouffait sous la cendre d'un feu de joie trop vite éteint.


Au fil des jours, les nouvelles tombent : annulation de tous les salons et festivals, rencontres.
Fermetures des librairies, maisons de la presse, bibliothèques. Les livres, plongés dans le noir. Des articles restent sur le marbre dont un du journaliste Hubert Arthus pour un magazine littéraire et celui de Xavier Bonnet pour Rolling Stone. Mon premier prix littéraire officiel pour Cinq cartes brûlées m'est remis virtuellement sans que le salon n'ait lieu à Quiberon. L'émission enregistrée avec PPDA pour CNEWS n'est pas diffusée. Déboussolés, les blogueurs ne lisent plus, ne communiquent plus leurs chroniques. Total shut down.





Faites vos jeux

Ma famille a tenu bon. Mon mari a planté des tomates et des pommes de terre dans le jardin (!), ma fille ainée s'est confinée avec son amoureux, mon fils et moi avons entrepris le collège à domicile dans des conditions rocambolesques, j'ai répondu comme je l'ai pu aux demandes de lives et de vidéos confinées, écrit deux nouvelles pour des opérations visant à financer les hôpitaux de Paris, donné un coup de main symbolique à ma libraire, à Gagny.
Et le temps est passé sans que je puisse écrire une ligne du prochain roman, l'esprit cadenassé par "l'après". 
J'avançais trop masquée pour savoir qui j'étais vraiment alors, ni quelle serait plus tard la pièce à jouer.


Enfin, la nouvelle est arrivée: la fin du confinement, la reprise progressive, la réouverture des librairies et un SMS d'Estelle, mon attachée de presse : le prix Landerneau serait annoncé le 21 mai. Pas de cérémonie officielle mais une campagne de presse d'envergure. Des papiers ressortent sur le web et dans la presse. L'émission de PPDA sur CNEWS est diffusée. Des libraires des centres Culturels Leclerc m'adressent des messages de sympathies sur Instagram et Facebook, heureux de pouvoir enfin mettre en avant leur prix, ce qui m'honore et me réjouis.




... Un prix annoncé un peu trop tôt après le déconfinement pour les libraires et pour mon éditeur, tous impactés : il faudra du temps pour que le livre trouve son bandeau rouge et parvienne jusqu'aux libraires qui ne l'avaient plus en stock. Un prix remis sans cérémonie, sans visibilité, sans présence du livre sur les étals, avec des délais de commande de trois semaines au mieux, mais une chance inouïe cependant au regard de tant d'auteurs talentueux dont les ouvrages ne seront même pas sortis des cartons.

Rester dans le jeu. 

Une carte est une carte. 

Et la prochaine a pour titre "La rose brisée du lys". A paraître en 2021 chez Fleuve Noir.

D'ici-là, prenez de mes nouvelles : 22 petits polars sont réunis dans un recueil qui vient de paraître pour vous distraire et vous faire passer le meilleur été possible... Un accident est si vite arrivé ;-)

Infos et liens
pour en savoir plus sur le recueil

Encore un fois, je tiens ici à remercier toutes celles et ceux qui m'accompagnent et me soutiennent de près ou de loin via les réseaux sociaux, partageant leurs lectures, leurs impressions, organisant des rencontres, des festivals, mettant en avant mes ouvrages dans leurs librairies ou dans les colonnes d'un journal. 
Sans eux, sans vous, rien ne serait possible.
L'écriture est une chose fragile seulement animée par la passion. 
Plus qu'un prix, un signe de vous est un encouragement à poursuivre une aventure devenue plus que jamais périlleuse : celle d'une femme exerçant le métier de romancière. 






mercredi 27 mai 2020

Thriller psychologique? Roman noir ou blanc? Faites vos jeux!

Cinq cartes brûlées n'est pas un thriller frisant avec l’horreur autour des codes du genre (emprisonnements, confinements) accompagné de tortures. Je laisse cela à d'autres auteurs plus à l'aise que moi dans ce domaine. Mais qu'en est-il vraiment du genre? Pour les plus pragmatiques d'entre vous, cette question importe. Certains lecteurs aiment savoir à quoi s'attendre avant d'ouvrir un livre et de plonger le nez dedans. Et je remercie mon ami Yvan Fauth, toujours attentif aux détails, à la manière de faire et curieux de nature, de m'avoir inspiré cette page du blog.


Photo: Maryline Kharto


Thriller psychologique? Roman noir? Littérature générale? A quel genre appartient donc Cinq cartes brûlées?


Il est vrai que Cinq cartes brûlées n'a pas la trame habituelle de l’enquête (celle-ci étant reléguée à la fin du livre). Il raconte à la fois le "dedans" et le "dehors" de l’héroïne du roman, et recourt à la double narration. Cependant, il est fermement ancré dans le noir. 
Explications (source Wikipedia):

Pour la petite histoire, le genre du roman noir puise ses racines au XIXème siècle (Zola, Balzac, Eugène Sue) et naît véritablement aux États-Unis dans les années 1920 (Dashiell Hammett), avec pour ambition de rendre compte de la réalité sociétale du pays. Puis le roman noir connaît véritablement son essor après la Seconde Guerre mondiale. Aujourd’hui, il désigne un roman inscrit dans une réalité sociale précise, il est porteur d'un discours critique, voire contestataire. Le roman noir se fixe ses propres frontières en s'opposant au roman d'énigme, car le drame se situe dans un univers moins conventionnel, moins "ludique".

Dashiell Hammett

Le roman noir est effectivement difficile à définir du fait de sa structure mouvante et ses diverses variations au fil du temps. Cependant, voici certains éléments récurrents qui le caractérisent : 
un univers violent
un regard tragique et pessimiste sur la société
un fort ancrage référentiel
un engagement politique ou social
D'autres critères peuvent être ajoutés à cette définition par leur présence répétée dans le roman noir comme le behaviorisme (ou comportementalisme) - l'histoire et le comportement d’un personnage sont liés à son environnement, à son passé.

La figure du méchant

Concernant le thriller psychologique, il se caractérise par des manipulations psychologiques, des traques ou harcèlements liées à des obsessions. Dans les thrillers paranoïaques, des éléments tels que la théorie du complot, les fausses accusations et la paranoïa sont récurrents. Cinq cartes brûlées sur ce point peut être considéré comme un thriller psychologique (C'est d'ailleurs ainsi que le qualifie mon éditeur), dans la mesure ou je manipule le lecteur en multipliant les fausses-pistes et en dissimulant des choses autour des membres de la famille Graissac, notamment. Et surtout, principe récurent du thriller, le «méchant» est connu depuis le début (enfin, presque…)



Oui, on me pose souvent la question du genre à propos de mes livres.
Un livre a la couleur de son histoire.
Ce qui compte à mes yeux, c’est l’émotion que le lecteur va ressentir (ou pas) en le lisant, l’envie (ou pas) de tourner les pages, l’adhérence (ou pas) à l’histoire, et surtout, ce qui va lui rester en tête après lecture.
Et la question du "genre" est celle qui m'horripile le plus. Auteur? Autrice? Auteure? J'ai bataillé dur pour gagner ma place "d'auteur," ce n'est pas pour m'entendre dire aujourd'hui "ah, non Sophie, tu es une autrice", comme si ma plume devait se distinguer de celle d'un homme. Cependant, je comprends ce combat nécessaire : il est important de reconnaître et de redonner place à ce mot qui nous vient d'un lointain passé. Un passé si lointain qu'on a même oublié que des hommes l'ont rayé des livres et de leur vocabulaire car une femme ne pouvait décemment être pensante et de plume.

La féminité caractérise ma vie, mes émotions, mon romans, mon ventre.
Alors, romancière, voilà le mot que j'embrasse; il sonne comme une romance d'hier, faussement légère, dont le souvenir puissant vous habiterait encore...





mercredi 20 mai 2020

Prix Landerneau Polar 2020




C'est un grand bonheur que de recevoir ce prix pour un ouvrage qui aura vécu le confinement et la fermeture des librairies durant 8 semaines.
Grâce à l'annonce officielle du prix (il devait à l'origine être remis le 30 mars) ce mercredi 20 mai, mon roman Cinq cartes brûlées retrouve une place dans l'actualité, un second souffle.
Il faut croire que rien n'est jamais joué.

 A lire ici, l'article d'Actualitte.com consacré au prix Landerneau Polar 2020
Pour accéder à l'article publié dans Actualitté concernant ce prix, cliquez sur le logo.


Un autre prix a été décerné au roman durant le confinement : le prix de Littérature Noire Infiniment Quiberon.



dimanche 8 mars 2020

Comme une évidence : une nouvelle spin-off du roman


Une commande pour ELLE.FR

Lorsque mon éditeur Florian Lafani me propose d'écrire une nouvelle pour le site ELLE.FR,  sur la thématique de l'anniversaire, j'ai déjà en tête l'idée d'écrire une histoire en lien avec le roman à venir; une sorte de spin-off autour d'un des personnages de "Cinq cartes brûlées": Marie-Anne Lahire-Bashert. 

La difficulté, bien sûr, est de ne surtout rien déflorer du roman, d'approcher les personnages, de leur donner un autre éclairage, d'imaginer un évènement parallèle à l'intrigue du roman à paraître. Et je sais où  situer mon histoire : le soir où Marie-Anne, si discrète sur elle-même, sa vie et son métier, revient de son cours de danse et croise son mari dans la cuisine. Une séquence dans laquelle je sous-entends qu'elle ne dit pas toute la vérité à Bernard sur ce que fut, en réalité, sa soirée.




Son secret est donc révélé dans cette nouvelle, mise en ligne sur le site ELLE.FR sous le titre Comme une évidence

Retrouver son âme soeur

Dans la nouvelle, il est question d'un anniversaire particulier, certes, mais surtout d'un sujet sur lequel j'ai déjà écrit: la tentation de retrouver un/son amour de jeunesse (Dans l'oeil noir du corbeau, Pocket). Et je vais me focaliser sur un de mes anciens camarades de classe de 3ème, Etienne B., dont le souvenir va me permettre de modeler le jeune homme que Marie-Anne n'a pas oublié. 
Si je choisis ce garçon (qui n'est pas un amour de jeunesse !), c'est parce qu'il était à l'époque, un élève hors du commun. Et j'ai toujours eu la curiosité de savoir ce qu'il était devenu. Au collège, déjà, il me fascinait par son intelligence, ses résultats scolaires. Son attitude était très réservée et son regard un peu triste, presque gris. Il communiquait peu - en particulier avec les filles - s'habillait de vêtements trop courts, avait les cheveux taillés en brosse (coupés par sa maman, je crois), et jouait du violon. Une sorte de Harry Potter avant l'heure. Pour mériter son attention, il fallait se lever tôt. Et je crois n'avoir jamais éveillé chez lui la moindre curiosité, à l'époque, mes résultats étant loin d'égaler les siens.




Etienne était plus qu'une grosse tête destinée à une filière scientifique. Il avait une réelle fibre artistique et, j'allais le découvrir plus tard, un vrai sens de la dérision. Nous avions ensemble joué dans une pièce de théâtre montée par notre professeur de français, ce qui avait contribué à créer une sorte de camaraderie entre nous. J'avais suivi de près la métamorphose de ce garçon élevé dans la rigueur et l'exigence de parents enseignants au sein d'une famille nombreuse, et qui, un jour, est arrivé au collège avec un anneau à l'oreille! Je l'imaginais en grand scientifique, chercheur  et directeur de thèse au CNRS... Et c'est bien là que je l'ai trouvé, plus de 35 ans après, grâce à Internet. Un géant au sourire généreux et pour lequel mon affection était restée la même. Nous avons trinqué et parlé avec un grand bonheur de nos années de collège et lycée, de nos adolescences réciproques, et aussi de ce que nous sommes devenus. Et sans surprise, Etienne m'a révélé qu'il travaillait sur un projet littéraire passionnant et pour lequel je l'ai assuré de mon aide. Ce garçon est exceptionnel, je l'avais bien perçu. Est-ce que j'aurais essayé de retrouver Etienne si je n'avais pas eu cette nouvelle à écrire? Est-ce que j'aurais osé reprendre contact au risque de me faire envoyer sur les roses ? Quoi qu'il en soit, ces retrouvailles ont été inspirantes et enrichissantes pour l'un et pour l'autre. Et elles ont donné une impulsion à l'écriture de la nouvelle pour ELLE.FR, laquelle raconte de toutes autres retrouvailles...

Photo de ma classe de 3ème, au Collège et Lycée Georges de la Tour, à Nancy (1980). Etienne est au deuxième rang, deuxième garçon en partant de la droite. Je suis au 3ème rang, sous le tableau de Georges de la Tour. En blanc, notre professeur de Français et de Latin, madame Gardoni.


De la fiction à la réalité

Comme toujours lorsque je travaille sur un roman, j'établis un profil pour chaque personnage. Marie-Anne, bien que son rôle soit secondaire, a son importance dans Cinq cartes brûlées.  Elle exerce la profession de juge au tribunal d'instance de Saint-Flour. Elle est aussi l'épouse d'un médecin thermal, Bernard Bashert. Je l'imagine plutôt blonde, cheveux long, visage oval, une belle femme un peu sèche approchant doucement de la cinquantaine. Je la construis en m'inspirant d'expériences personnelles comme pour tous mes personnages, qu'il s'agisse d'exprimer un ressenti intime, ou d'une projection dans un décor, une époque et une situation sentimentale donnée.
Puis, en travaillant sur la nouvelle, je cherche de la documentation sur le tribunal d'instance où mon personnage est censé travailler. Et je déniche un article dans lequel il est question de sa fermeture récente, suite à la dernière réforme du ministère de la Justice. 
Une photo accompagne l'article. La voici:



 J’avais imaginé Marie-Anne, et voilà qu'elle m'apparaît sous les traits d'une juge ayant occupé un même poste dans ce tribunal. Il est vrai qu'aujourd'hui, les femmes sont plus de 66% à occuper des postes dans la magistrature...
Je suis cependant toujours troublée par ces instants où l'imaginaire rejoint la réalité. Cette femme aux manches retroussées et au si beau sourire, a sans le savoir, contribué à incarner un personnage de fiction.

Je vous laisse, à présent, découvrir cette nouvelle sur le site de ELLE.FR.




mardi 25 février 2020

Le décor du livre





Imaginez deux chemins menant vers un précipice.
L'un chaotique, tracé en dépit du bon sens,
l'autre, taillé avec lenteur, ordre, calcul et détermination.
Et l’arrivée au point de basculement.
Imaginez deux corps imperméables aux autres
le long silence qui pèse sur ces vies
la fragilisation mentale que peut engendrer l'isolement d'un individu,
le manque de lien parental, scolaire, social,
l’ absence de communication au sein d'un couple.
Qui est l’agresseur? Qui et la victime ?
Notre destin se fait et se défait à chaque instant de notre existence.
il tient autant au chasseur qu'à sa proie qu'ils se retrouvent soudain face à face.
Jouer comporte des risques.


la maison de Laurence, le casino, l'hôtel à Saint-Flour, la discothèque Le Mix à Saint-Flour, la maison de David Graissac à l'Isle-sur-la-Sorgue, découvrez ici en images le décor de Cinq cartes brûlées.


Chaudes-Aigues (Cantal)


C'est le hasard qui nous a fait découvrir ce village en plein été, après avoir déposé notre fils dans une colonie de vacances dans l'Aveyron. Nous cherchions désespérément une chambre pour la nuit, un quinze août, et tous les hôtels du secteur affichaient complet, en raison des fêtes de ce week-end particulier. Sur les indication d'un hôtelier à Laguiole, nous avons quitté le département pour le Cantal et rejoint Chaudes-Aigues où un hôtel avait encore quelques chambres de libres. 

Le casino et hôtel
Il s'agissait du casino de la ville. Nous l'avons découvert en y arrivant et sommes tout de suite tombé sous le charme (surtout mon mari) de cet hôtel à la décoration un peu désuète qui me rappelait celle des hôtel chic d'Europe de l'Est. Après avoir demandé à changer de chambre - celle qu'on  nous avait attribuée n'était pas franchement propre - nous avons dîner sur la terrasse de l'hôtel tout en nous régalant de plats traditionnels (surtout mon mari) avec l'animation karaoké qui battait le plein dans la salle du restaurant. 
Le casino
Enfin, nous nous sommes rendus au casino ou nous avons eu la surprise de découvrir une table de black-jack. Ravis (surtout mon mari), nous avons joué assez longtemps pour ne pas perdre d'argent et même en gagner (surtout mon mari).
Et c'est à ce moment-là, en observant la croupière ramasser nos jetons et retourner des cartes sur le tapis que j'ai eu la révélation : c'était elle!
C'était ici que tout allait se passer.
J'avais trouvé le métier de mon héroïne, son lieu de travail, et même, celui de l'homme qui allait bientôt venir s'assoir à sa table: un médecin thermaliste de la ville.


La station thermale de Chaudes-Aigues



Une station thermale dont nous n'avons pas eu le temps de profiter mais que j'espère visiter bientôt à l'occasion d'un prochain voyage dans le Cantal.



Le décor particulier de cette petite ville où il est si agréable de se promener, la présence de cette source brûlante qui jaillit en son coeur, la chaleur qu'elle procure naturellement à ses habitants, tout cela était vraiment d'une grande force pour mon roman, et tellement en lien avec la thématique de l'eau.
La fontaine d'eau brûlante au coeur du village


Saint-Flour (Cantal)


En quittant Chaudes-Aigues deux jours plus tard, nous sommes descendus vers Saint-Flour. Déjà, dans ma tête, se déroulait l'histoire. Je cherchais  sur la route que nous descendions l'emplacement de l'accident de voiture dont il serait question dans le roman. 










Les orgues

















Et puis j'ai vu s'élever le long de la route ces falaises, les orgues de Saint-Flour, qui donnent cette impression d'écrasement, comme si quelque chose de très ancien, de très puissant, pesait sur les habitants de la ville.



Et j'ai su que j'en ferai quelque chose dans le livre.

Enfin, en arrivant sur la ville, je découvre à droite de la route nationale l'existence du centre Hospitalier de Saint-Flour. J'avais tous les éléments en main pour installer mes personnages dans le décor. 
Restait à trouver la maison de Laurence.



La maison de la famille Graissac

Je voulais une maison qui fasse peur, mais pas trop. Un pavillon banal mais dans un environnement anxiogène. J'avais déjà en tête l'idée de travailler sur ces habitations situées trop près de pylônes électriques : les ondes dégagées par les câbles à haute tension engendrent de nombreux troubles de la santé et dysfonctionnements. Un sujet que je voulais aborder dans le livre. Alors, en traversant la ville, apercevant en bas de la route un poste électrique vers lequel convergeaient tous les câbles de la ville, j'ai senti mon coeur battre plus vite. J'ai demandé à mon mari de se diriger vers le poste et voici les photos que j'ai prises depuis la voiture... 


Le poste électrique

la maison qui a inspirée celle de Laurence
Juste de l'autre côté de la route, se trouve une maison. Un pavillon comme je l'imaginais, typique des années 50, cerné par des câbles électriques qui s'éparpillent vers la vallée. Elle est cachée derrière une haie en haut d'un talus d'herbe sèche. Je n'ai pas osé trop m'approcher. L'idée est juste de m'inspirer de la topographie des lieux, pas de frapper aux portes pour demander à faire le tour du propriétaire. Car je doute que l'histoire que je vais projeter dans cette maison puisse plaire à ceux qui y habitent!

Non loin du poste électrique se trouve également une chambre d'hôtes

La maison de M. Graissac, à L'Isle-Sur-La-Sorgue


C'est une maison où j'avais projeté d'habiter avec ma famille voilà deux ans. Mon mari étant antiquaire de jouets anciens aux Puces de Saint ouen, L'isle-Sur-La-Sorgue était l'écrin tout indiqué pour déménager son activité et nous y installer, à quelques dizaines de kilomètres d'Avignon.

le muret de l'orangeraie qui donne sur une piscine

Malheureusement, pour tout un ensemble de raisons, le projet ne s'est pas fait. Mais j'ai gardé souvenir de ce mas que je trouvais très beau. Le mettre dans ce livre était une façon de ne jamais l'oublier et d'y vivre, au travers de mes personnages, quelques instants.

le paddock et l'alignement des cyprès

Trouver l'hôtel où allait se dérouler la partie la plus sanglante du roman n'a pas été trop difficile. Mon choix s'est rapidement porté sur le Grand Hôtel de l'Etape. La carte est très appétissante et l'ambiance plutôt chaleureuse, typique d'un hôtel restaurant accueillant une clientèle locale et de passage.

L'hôtel restaurant de la scène de crime


la table à laquelle Laurence Graissac et le docteur Bashert prennent leur dernier déjeuner.

La discothèque dans laquelle le docteur Bashert s'échoue en galante compagnie, la voici : craquant le mobilier, non? Je voulais un lieu qui contraste avec le médecin thermaliste branché musique classique et rando en montagne. Un lieu de perdition clinquant, décalé, et froid.

Discothèque Le Mix, à Saint-Flour (photo tirée d'un article de la Montagne)

En découvrant ces sièges en skaï argenté, l'inspiration m'est venue aussitôt.
Parfois, un détail suffit pour enchanter un chapitre.

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