dimanche 5 juillet 2020

Cinq cartes brûlées, confinées, célébrées.

Tenir, contre vents et pandémie


Comme elle fut longue cette période de confinement, âpre, emplie de doutes, de silences et de douleurs au coeur, au ventre, de nuits sans sommeil, dents serrées, de crainte de perdre l'autre, ceux qui sont notre bonheur, notre fierté et le plus grand défi de l'existence : nos enfants.

Chaque jours, nous avons vu les corps tomber, glisser sans bruit tels des branches mortes charriées par l'eau sombre d'une rivière, là où les médias naviguaient sans pudeur ni recul, puisant dans cette immense détresse du monde leur insatiable puissance.

Pour moi, s'est ajouté ce sentiment médiocre de "partie perdue d'avance". 

En 2015 paraissait un de mes précédents romans lequel touchait à un évènement inconnu de l'Histoire de la seconde guerre mondiale (La révolte de jeunes soldats SS musulmans) : "A la mesure de nos silences" (Fleuve Editions). Hasard ou destin, il était publié le 8 janvier, soit le lendemain du terrible attentat au siège du journal Charlie Hebdo. 
L'ami Charb, foudroyé.
Toutes les chaînes en émission spéciale.
Frénésie morbide et fantasmatique.
Plus de place pour la culture dans la presse.
Encore moins pour un roman qui évoque le destin de jeunes soldats musulmans enrôlés dans la Waffen SS... lesquels ont eu un comportement exemplaire, le payant de leur vie. Mais encore faut-il qu'il y ait quelqu'un parmi tous ces éditorialistes pour s'intéresser à l'Histoire et comprendre que la barbarie n'est pas le propre d'une religion mais bien du terrorisme.










Plongeon abyssal des ventes pour tous les romans parus à cette même époque (excepté celui de Michel Houellebecq).

Des romans noyés, décapités, parmi lesquels A la mesure de nos silences.


L'annonce


A quelques temps du confinement, j'apprenais que Cinq cartes brûlées avait décroché le prix Landerneau. 
A l'éclat de cette nouvelle, laquelle ouvrait de grandes perspectives pour l'ouvrage, succédèrent l'annonce du confinement puis l'annulation de la soirée de remise officielle du prix fin mars.



Ce lundi 30 mars 2020 restera pour moi un lundi noir.
Aucune perspective concernant la remise du prix, si toutefois celui-ci était maintenue.
... Pour que vous saisissiez l'enjeu, le Landerneau, c'est entre 10 000 et 100 000 exemplaires vendus et une campagne de pub dans un sacré paquet de journaux et magazines.
L'année où le prix m'est remis est celle de la pandémie du siècle. 
Des cartes de ma vie, celle-ci aurait-elle été mal jouée?

 Cinq cartes brulées devait être le livre, et déjà, il s'étouffait sous la cendre d'un feu de joie trop vite éteint.


Au fil des jours, les nouvelles tombent : annulation de tous les salons et festivals, rencontres.
Fermetures des librairies, maisons de la presse, bibliothèques. Les livres, plongés dans le noir. Des articles restent sur le marbre dont un du journaliste Hubert Arthus pour un magazine littéraire et celui de Xavier Bonnet pour Rolling Stone. Mon premier prix littéraire officiel pour Cinq cartes brûlées m'est remis virtuellement sans que le salon n'ait lieu à Quiberon. L'émission enregistrée avec PPDA pour CNEWS n'est pas diffusée. Déboussolés, les blogueurs ne lisent plus, ne communiquent plus leurs chroniques. Total shut down.





Faites vos jeux

Ma famille a tenu bon. Mon mari a planté des tomates et des pommes de terre dans le jardin (!), ma fille ainée s'est confinée avec son amoureux, mon fils et moi avons entrepris le collège à domicile dans des conditions rocambolesques, j'ai répondu comme je l'ai pu aux demandes de lives et de vidéos confinées, écrit deux nouvelles pour des opérations visant à financer les hôpitaux de Paris, donné un coup de main symbolique à ma libraire, à Gagny.
Et le temps est passé sans que je puisse écrire une ligne du prochain roman, l'esprit cadenassé par "l'après". 
J'avançais trop masquée pour savoir qui j'étais vraiment alors, ni quelle serait plus tard la pièce à jouer.


Enfin, la nouvelle est arrivée: la fin du confinement, la reprise progressive, la réouverture des librairies et un SMS d'Estelle, mon attachée de presse : le prix Landerneau serait annoncé le 21 mai. Pas de cérémonie officielle mais une campagne de presse d'envergure. Des papiers ressortent sur le web et dans la presse. L'émission de PPDA sur CNEWS est diffusée. Des libraires des centres Culturels Leclerc m'adressent des messages de sympathies sur Instagram et Facebook, heureux de pouvoir enfin mettre en avant leur prix, ce qui m'honore et me réjouis.




... Un prix annoncé un peu trop tôt après le déconfinement pour les libraires et pour mon éditeur, tous impactés : il faudra du temps pour que le livre trouve son bandeau rouge et parvienne jusqu'aux libraires qui ne l'avaient plus en stock. Un prix remis sans cérémonie, sans visibilité, sans présence du livre sur les étals, avec des délais de commande de trois semaines au mieux, mais une chance inouïe cependant au regard de tant d'auteurs talentueux dont les ouvrages ne seront même pas sortis des cartons.

Rester dans le jeu. 

Une carte est une carte. 

Et la prochaine a pour titre "La rose brisée du lys". A paraître en 2021 chez Fleuve Noir.

D'ici-là, prenez de mes nouvelles : 22 petits polars sont réunis dans un recueil qui vient de paraître pour vous distraire et vous faire passer le meilleur été possible... Un accident est si vite arrivé ;-)

Infos et liens
pour en savoir plus sur le recueil

Encore un fois, je tiens ici à remercier toutes celles et ceux qui m'accompagnent et me soutiennent de près ou de loin via les réseaux sociaux, partageant leurs lectures, leurs impressions, organisant des rencontres, des festivals, mettant en avant mes ouvrages dans leurs librairies ou dans les colonnes d'un journal. 
Sans eux, sans vous, rien ne serait possible.
L'écriture est une chose fragile seulement animée par la passion. 
Plus qu'un prix, un signe de vous est un encouragement à poursuivre une aventure devenue plus que jamais périlleuse : celle d'une femme exerçant le métier de romancière. 






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